Visar Tahiri, formé à l’académie du LS et passé par Montreux-Sports, a vu son destin basculer après une opération à cœur ouvert. Aujourd’hui, il retrace pour FootVaud son incroyable chemin de retour, entre résilience, passion et envie de retrouver le monde du foot des talus.
Visar, peux-tu te présenter en quelques mots ?
Je m’appelle Visar Tahiri, j’ai 28 ans, je suis originaire de Montreux, où j’ai grandi. Je suis marié et papa d’un petit garçon, né en janvier 2025. Il est devenu ma plus grande source de force et de motivation. Je suis quelqu’un de passionné, déterminé, et profondément reconnaissant d’être encore là aujourd’hui. La vie m’a beaucoup appris, parfois durement, mais toujours avec un sens.
Parle-nous de ton parcours footballistique ?
J’ai commencé le football à 11 ans au Montreux-Sports, mon club formateur et de cœur. Ensuite, j’ai rejoint le Team Riviera, où j’ai fait ma formation jusqu’en M15, avant de passer en M16 au Team Vaud Lausanne-Sport. C’était une étape importante : je découvrais un cadre de haut niveau, une exigence nouvelle, un environnement plus professionnel. J’y ai évolué jusqu’à la fin des M17, avant de revenir à Montreux pour rejoindre la première équipe, alors en 2e ligue interrégionale. J’y ai passé quatre belles saisons, avec énormément de plaisir, de fierté et de moments forts, sur et en dehors du terrain.

Quels ont été les moments les plus marquants de ta carrière ?
Je garde beaucoup de bons souvenirs de mon passage à Lausanne-Sport, parce que c’était une étape rêvée pour tout jeune joueur vaudois. Mais mes débuts avec la première équipe de Montreux ont une saveur particulière.
Jouer pour son club formateur, devant ses proches, c’est quelque chose de fort, d’unique.
Au-delà du sportif, ce sont les valeurs humaines qui m’ont marqué : le vestiaire, la solidarité, le respect, la passion partagée. C’est ce que le football m’a le plus apporté.
J’ai subi une opération à coeur ouvert.
Qu’est-ce qui t’a fait arrêter le football ?
En 2021, lors d’un contrôle médical lié à des douleurs et des symptômes que je n’avais jamais ressentis auparavant, les médecins ont découvert que je souffrais d’un problème cardiaque congénital : une bicuspidie aortique. C’est une malformation présente depuis ma naissance, mais qui n’avait jamais été détectée jusque-là.
J’étais en pleine forme, je m’entraînais, je jouais chaque week-end… Et d’un coup, on m’annonce que mon cœur n’est pas comme celui des autres.
À partir de ce jour-là, tout s’est arrêté. Les médecins ont décidé de me suivre étroitement, avec des contrôles tous les six mois. Mais au fil du temps, la situation a évolué. En octobre 2024, ma valve aortique a commencé à fuir davantage, et il n’y avait plus d’autre solution, il fallait m’ouvrir le cœur.
J’ai subi une opération à cœur ouvert. On m’a endormi, mon cœur a été arrêté, et une machine a pris le relais pendant que les chirurgiens travaillaient à l’intérieur. C’est une expérience que je ne souhaite à personne.
Les premiers jours en soins intensifs ont été terribles. J’étais branché de partout, incapable de bouger, avec le bruit incessant des machines. Tu ressens chaque battement, chaque souffle, chaque douleur. Puis vient la lente remontée : apprendre à respirer profondément, à marcher de nouveau, à retrouver ton souffle. Chaque petit progrès devient une victoire.
Mais le plus difficile, c’est que ce n’était pas fini. En juin 2025, j’ai dû repasser par le bloc pour une seconde opération et en urgence, cette fois pour la pose d’une valve aortique mécanique. Aujourd’hui, c’est cette valve qui fait battre mon cœur, au sens propre. Et chaque battement est un rappel : je suis vivant.
Qu’est-ce que représente le football pour toi ?
Le football, c’est plus qu’un sport. C’est une école de vie.
Il m’a appris la discipline, le respect, la persévérance, et surtout l’esprit d’équipe.
C’est ce qui m’a aidé à traverser les épreuves que j’ai connues : savoir encaisser, se relever, continuer à avancer.
Même si aujourd’hui je ne peux plus jouer comme avant, le foot reste en moi.
C’est mon repère, mon équilibre, mon oxygène.

Qu’est-ce que cette épreuve t’a appris ?
Beaucoup de choses. Quand tu te retrouves à l’hôpital, avec le cœur à l’arrêt pendant qu’on essaie de te sauver, tu comprends ce qui est vraiment important. Tu penses à ta femme, à ton enfant, à ta famille, à ce que tu veux laisser derrière toi. Tu te rends compte que tout ce qu’on croit acquis peut disparaître en une seconde.
Les semaines d’hospitalisation ont été dures, physiquement et mentalement. Mais elles m’ont appris la patience, la gratitude et la force intérieure. Aujourd’hui, je vois la vie autrement : je ne me plains plus, je savoure. Chaque jour, c’est un bonus. Et quand j’entends le petit bruit métallique de ma valve dans le silence, je me dis que c’est la plus belle musique du monde.

Un contrôle peut parfois sauver une vie.
Pourquoi avoir choisi d’en parler aujourd’hui ?
Parce que je pense qu’il faut sensibiliser. Dans le football, on parle souvent de blessures musculaires, de performances, de résultats… mais rarement de santé cardiaque. Et pourtant, ça peut arriver à n’importe qui. Je veux que mon histoire serve à prévenir et à inspirer, à rappeler qu’il faut écouter son corps, ne pas négliger les signaux, et faire les examens nécessaires. Un contrôle peut parfois sauver une vie.
Et puis, il y a aussi le côté humain, je veux montrer que, même quand tout s’écroule, il est possible de se relever. Je suis passé par la peur, la douleur, le doute, mais aujourd’hui, je suis là, plus fort que jamais.
Tu nous as confié ton envie de revenir dans le monde du foot…
Oui, parce que cette passion ne s’éteindra jamais. Le football m’a tellement apporté que je ne peux pas imaginer m’en éloigner complètement. Je ne sais pas encore sous quelle forme, peut-être pas comme joueur, mais dans un rôle différent : transmettre, encadrer, inspirer. Partager ce que j’ai vécu, humainement et sportivement, c’est devenu un besoin. Je suis sorti vivant de deux opérations à cœur ouvert. Alors aujourd’hui, plus rien ne me fait peur.
Un dernier mot ?
Je dirais simplement : profitez de la vie, et prenez soin de votre cœur, au sens propre comme au figuré. J’ai frôlé ce que personne ne veut imaginer, mais j’en suis ressorti plus fort, plus lucide, plus reconnaissant. Mon fils, ma femme, ma famille, ma santé : c’est ça, ma victoire. Et comme dans un match de foot, tant qu’il reste du temps sur le chrono… il faut continuer à jouer.
Texte et photos : Suat Jashari